De plus en plus haut !

Après de nombreuses hésitations, on a décidé d’aller se frotter aux dénivelés des montagnes du Yunnan (plutôt que les roches karstiques de la région de Guilin). Pourquoi ce choix plutôt que l’autre ? La beauté des paysages, le peu de touristes et d’urbanisation de cette zone, et puis en plus, deux autres cyclos vont rouler avec nous : Emilie et Jérémie, les rustines libérées !

Mais avant de les retrouver, une folle journée nous attend …

En route pour Dali… une bien longue journée !

Mardi 24 mars 2015, nous quittons la capitale du Yunnan, Kunming (et ses 6 millions d’habitants), dans le sud-est de la Chine. Une journée pleine de surprises commence…

Tout d’abord, au bout d’une centaines de mètres, il y a le vol-plané de Thomas après avoir glissé en vélo sur de la boue dans une ruelle – une vraie patinoire ! Plus de peur (et de crasse) que de mal !

Une fois arrivé à la gare de bus, le conducteur nous demande 100 ¥ (yuan) par vélo. Niet, les rustines nous ont dit qu’ils n’avaient rien payé. On discute, on a même la régulation au téléphone, ils ne veulent pas lâcher l’affaire. On fini par craquer et tomber d’accord pour 100¥ en tout (soit 15 € tout de même) et le bus peut enfin partir, avec 30 minutes de retard. Il est 11h.

15h, méga bouchons sur l’autoroute, le conducteur prend une petite route montagneuse qui nous rajoute au moins 1h de trajet sur les 5h prévues à la base. On rattrape l’autoroute un peu plus loin.

17h, le bus s’arrête à quelques mètres d’un tunnel. On comprend que ça ne reprendra pas tout de suite. Les gens descendent du bus, certains veulent finir à pied, mais se ravisent quand ils apprennent qu’il y a tout de même encore 8km. On nous dit d’y aller en vélo, mais « be carefull, snow » ; hein, mais il fait 13° ?!

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Sur l’autoroute !

Nous voilà donc en train de pédaler, tout seuls sur l’autoroute vide, en descente ! Finalement, 2 ou 3 kms plus loin, il y a un accident avec quelques camions, mais pas de neige – la pluie a dû rendre la route glissante. On quitte rapidement l’autoroute, soulagés tout de même, et on entre en ville. Il nous reste encore 15kms pour atteindre l’ancienne ville de Dali. Il est 18h.

Mon vélo commence à faire un bruit assez inquiétant sur la roue arrière. On s’arrête plusieurs fois resserrer les rayons, mais ça ne calme pas totalement les choses… On fini par arriver vers 19h à la vieille ville, où Emilie et Jérémy sont arrivés il y a quelques jours. Nous avons seulement le nom de leur hôtel ; pas de chance il en existe plusieurs avec le même nom ! Pas de réponse à nos mails, et c’est le seul moyen que nous ayons de les contacter.
Il est 20h30 quand on reçoit une réponse à nos mails et qu’on arrive à les retrouver ! OUF !
On fait connaissance autour d’un dîner bien mérité après cette folle journée ! Au passage, ça nous permet de découvrir rapidement la ville, jolie mais noire de touristes.

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L’entrée dans Dali.

Trop cool de rouler en équipe !

Rouler avec d’autres cyclos est toujours une bonne expérience qu’on apprécie. Emilie et Jérémie ont le même âge que nous, ils voyagent aussi à vélo pour un an autour du monde, et ils sont grenoblois. Les sujets de discussions ne tarissent pas !

Nous voilà donc partis tous ensemble. Depuis la vieille ville de Dali, nous longeons le lac et ses belles maisons de style traditionnel blanches et grises avec leurs toits aux bouts pointus. Ce qui est super ici dans le Yunnan, c’est que même les nouvelles constructions sont faites dans le style des anciennes.
On fait notre premier col ensemble l’après midi, 10 ou 15 kms de montée douce ; le premier col d’une longue série…
Pour le campement ce soir, ça sera dans un village, devant des hangars. Les enfants du village nous entourent pendant une partie de la soirée, tout curieux et surexcités de nous voir là.
Le lendemain, on rencontre un groupe de cyclos. Un américain et un chinois en vélo couché… on se rend compte au bout d’un moment qu’ils sont en fait paraplégiques ! Ils « pédalent » avec leurs bras. Ils sont accompagnés d’un cyclo américain valide et d’une voiture balai. Mais à part ça, comme nous ils font du camping sauvage, entre 70 et 100kms par jour, et ils arrivent du nord, Shangrila et les sommets du Yunnan ; ils finissent un voyage de plusieurs mois en Chine. Ils vont à la rencontre d’autres paraplégiques pour faire connaître la pratique du vélo couché en Chine. Un beau projet qui nous a impressionné !
Toute la journée, on découvre de belles vallées vertes de champs de blé et de fèves. En fin de journée, un orage s’annonce au loin. On cherche à se faire héberger dans les cours des habitations, mais les villageois ont l’air d’avoir un peu peur. Un jeune nous trouve une petite maison en brique au bord des champs, parfait ! Une famille – un couple et leurs trois filles – vit dans deux de ces mêmes petites maisons… c’est à dire avec vraiment pas grand chose ! Et malgré leur pauvreté, ils nous invitent à dîner. Les plus riches du village n’ont pas voulu nous laisser quelques mètres carrés de leur cour, mais eux nous préparent un festin. On les remercie comme on peut en offrant aux filles les fruits achetés dans la journée, qu’elles dévorent avec appétit.

Nous sommes à 35 kms de Lijiang, distance que nous avalons facilement le matin. Lijiang est une vieille ville classée à l’Unesco ; elle se situe sur un immense plateau à 2400m d’altitude, mais l’environnement est le même que si on était à 400m, c’est fou ! La vieille ville a conservé ses maisons traditionnelles en bois du Yunnan ; sauf qu’avec le tourisme de masse chinois, ce ne sont quasiment plus que des restaurants, des magasins à touristes, voire même une rue de bars dansants qui mettent la musique à fond dès 18h… Désolant… C’est Disneyland en moins marrant, il n’y a ni Pluto ni Aladin, ça ne ressemble plus à une ville…
On repart le lendemain, samedi 28 mars. Après quelques montées sur une route peu passante, on a nos premiers paysages de montagnes du Yunnan. Et sur un petit col, un temple, avec vue sur toute la vallée ; on voit en vrai nos premiers drapeaux de prière.
On profite ensuite d’une longue descente de 25 kms pour rattraper un fleuve qui va nous mener… aux gorges du saut du tigre. On aperçoit déjà le sommet du mont Yulongxue shan, 5600m, et ses glaciers, qui surplombent les gorges (à 1800m) que nous visiterons le lendemain. Mais avant d’attaquer les gorges, on décide de passer la nuit juste avant, dans un champ, aux portes des gorges.

Les gorges du saut du tigre

Dimanche 29 mars, nous nous engouffrons dans les fameuses gorges du saut du tigre. On a la mauvaise surprise de constater à quel point les chinois transforment la nature en attraction touristique : 10 € pour accéder à une route de montagne…
Mais ça vaut le coup, les gorges sont magnifiques. En plus on a de la chance, il fait grand beau. Après quelques kilomètres, on accède à un belvédère au dessus de rapides, où s’arrêtent de nombreux cars. C’est toujours marrant d’observer les touristes chinois prendre des photos de tout et n’importe quoi, faire des têtes bizarres pour leurs selfies, etc.
Après ce belvédère, rares sont les touristes qui continuent : on se retrouve presque seuls sur la route. La rivière dans le fond, les roches qui tombent à pic, quelques sommets enneigés… On est époustouflés ! Thomas est à fond, il n’arrête pas de prendre des photos et des vidéos. On s’arrête à walnut village, un joli village dans les gorges. On trouve un terrain de basket, spot dodo parfait. Banco, on dormira là cette nuit.

Au petit matin, on poursuit notre route vers la fin des gorges ; le paysage s’ouvre sur une plaine toute plate. Le contraste est saisissant !
Derrière, c’est reparti pour la montée ; on passe dans une forêt de pins qui nous rappelle à tous le sud de la France. 23kms plus tard, nous sommes à 2860m ! C’est beau !
Petit souci vélo pour moi au village de Habba, on change ma chambre à air. Un autre col plus tard, et encore de superbes vues sur les sommets (dont encore un de 5000m), on redescend vers Baishutai, et ses champs de blé en terrasses. On trouve une guest house pour prendre une douche chaude et recharger un peu les batteries… mais une coupure de courant perturbe nos plans. La tenancière de la guest nous prépare un bon dîner à la lumiere de la bougie… et l’aide de notre frontale.

Ça y est, on monte à 3000 !

Le lendemain, on commence direct par une montée de 14kms, j’ai les jambes qui n’arrivent pas à s’échauffer, le moral en prend un coup. Dur, dur… On atteint un col à 3200m : ça commence à devenir sérieux ! Après un déjeuner au réchaud dans un village en contrebas, on regrimpe encore… pendant 15kms ! Nous voilà à 3600m ! Avec la fatigue de la journée, on ressent nos premiers effets de l’altitude : légers vertiges pour certains, petite somnolence pour d’autres. Mais on est trop fiers d’être arrivés là ! On se dit qu’être à 4 rend les choses plus faciles et aide à se motiver dans les difficultés. Juste à deux, on ne serait sûrement pas arrivés là aussi « facilement ». Là haut, il fait 9° ; après quelques photos souvenirs, on ne traîne pas et on attaque vite fait les 8kms de descente !
En bas, on trouve un super spot dodo dans une mini vallée, où deux yaks nous regardent nous installer l’air complètement indifférent. Vu tout le bois qu’il y a, les garçons lancent un bon feu de camp et s’atèlent à la construction… d’une table ! Quelques planches en bois et mon ancienne chambre à air découpée en lanière… nous voilà en train de dîner au coin du feu trop bien installés !
On passe une bonne nuit, quoiqu’un peu fraîche, tout de même à 3200m d’altitude. Au matin, les quelques gouttes de pluie qu’on a eu dans la nuit ont été de la neige en altitude : les sommets ont blanchi.
Les locaux nous ont prévenus : ça monte encore un peu, puis ça redescend avant de s’aplatir avant Shangrila. En effet, on regrimpe 14kms : on atteint notre plus haut col, à 3720m ! Bien reposés, on n’a plus aucun effet de l’altitude. La descente est belle, mais un vent de face nous freine sacrément ! Dans la vallée, on se rend compte que l’architecture des maisons a changé : des maisons mi bois – mi torchi, des murs très épais, un style qui commence à nous faire penser au Tibet. Il y a de plus en plus de stupas et de drapeaux de prière. C’est fou d’être arrivés là en vélo !
On avance doucement, à la queue leuleu, se protégeant les uns les autres du vent.

Shangrila

On finit par arriver à Shangrila, ville à 3300m d’altitude.
On passe deux jours dans la vieille ville de Shangrila… ou plutôt ce qu’il en reste puisqu’elle a brûlé en bonne partie il y a un peu plus d’un an. Il reste encore quelques vieilles maisons et le temple sur la colline au centre de la ville. Mais une grosse partie est en pleine reconstruction : les ouvriers travaillent dur pour redonner à la ville son image d’avant.
Shangrila est dans une grande plaine entourée de montagnes, dont certaines sont enneigées. Le Tibet est tout proche, derrière les plus hautes montagnes… mais même si Thomas rêverait d’aller y faire un tour, le passage par le Tibet nous est interdit. On devra se « contenter » du nord Yunnan qui, en moins haut, nous paraît y ressembler un peu.
Après ce bon repos, nous voilà prêts à continuer… quelques beaux cols nous attendent.

Divers :

  • Les chinois et les photos : en France, ils nous impressionnent toujours à prendre des photos de tout… Ben ils font pareil dans leur pays. Et nous sommes souvent pris pour cible ! Avec ou sans nos vélos, ils adorent nous demander de prendre une photo avec eux !
  • On vous l’a déjà dit, on mange trop bien en Chine ! Au début, face aux grands frigos on était un peu perdus. Maintenant on a l’habitude : on montre du doigt ce qu’on veut, et ils nous cuisinent de bons petits plats avec ça, qu’on partage tous ensemble avec une grosse portion de riz. Nos chouchous : les aubergines, les fèves, les galettes de patates râpées… Et le truc trop cool d’être à 4, c’est qu’on peut tester plus de trucs différents à chaque repas. C’est toujours un peu épicé mais pas trop !